Le Baïkal Intérieur au Bleu du ciel, Lyon - Sylvie Bonnot


En partenariat avec la galerie "le Bleu du ciel", Esox Lucius, éditeur de l'héliogravure réalisée à cette occasion à l’URDLA, propose : 
LE BAÏKAL INTÉRIEUR Une exposition de Sylvie Bonnot
Du 14 septembre au 10 novembre 2018
Exposition ouverte du mercredi au samedi de 14h30 à 19h00 (entrée libre)

Le Bleu du ciel
12 Rue des Fantasques
69001 Lyon


Le travail de Sylvie Bonnot relève de l’expression « bon pied bon oeil », résultante de cette impression spontanée qui surgit à la rencontre de ses images du transsibérien. «Bon oeil» comme ce panoramique qui fleure bon l’inspiration immédiate du photographe, quand l’artiste se délie et s’étire au gré des instants prélevés de Moscou à Vladivostok, avec cette sensation inqualifiable de traverser ce paysage à l’échelle surdimensionnée, plutôt que de le laisser défiler autour d’elle, calmant ainsi ses visions entre le bleu des cieux, les eaux gelées du lac et des rivières aux reflets turquoises, l’ocre des paysages et les visages du train, dans cette ligne paisible de partage à l’horizon qui nous entraîne dans ses émotions voyageuses.

L’essentiel y défile donc au gré de sa lente respiration, car Sylvie Bonnot voulait à l’origine du projet ralentir son périple en franchissant la Sibérie avant d’atteindre Tokyo sa destination finale, pour se donner le temps de la méditation visuelle, avec ce remplissage de carnets de dessins, de notes de voyage, et de l’édification future de ce Baïkal intérieur, qu’elle conclurait de retour au pays natal. Mais si le ressenti extérieur est bien de l’ordre du méditatif, le sien rejoint au contraire selon ses termes « ce sentiment d’urgence face à cette immensité qui à peine perçue passe derrière nous, dans ce temps de la prise de vue si intensif, en dépit des fuseaux horaires traversés, piégé qu’il était par l’inquiétude de manquer des instants de cette taïga cachée derrière les rideaux d’arbres ».

Elle ajoute : « ... avoir été surtout touchée par la profonde humanité au fil de la distance, des habitants au corps mécanique jusqu’aux isbas les plus modestes qui s’égrainent, éparpillées au long des voies. La rudesse de la vie en Sibérie est accrue du fait du paradoxe persistant qui oppose la simplicité des habitations, confrontée au dénuement des steppes majestueuses et au souvenir lointain de l’opulence des cathédrales et des palais de l’autre coté de l’Oural.»

Ceci expliquant sa volonté de capter des fragments de ces si grands espaces avec un matériel des plus humbles en sachant se faire discrète dans ses déambulations dans les wagons, afin de trouver sa place dans ce quotidien traversant.

Puis munie de son allant « bon pied », « ben plantata » comme disent les Vénitiens, Sylvie Bonnot sur le sol de son atelier retrouvé quelques mois plus tard, réalisera ses sculptures, concrétions échappées et revisitées par l’imaginaire du fleuve Amour, frontière immanquable au fin fond des plaines d’Orient.

Elle déformera donc ses images, réanimera ses carnets, fruits de l’incubation des neuf mille deux cents kilomètres franchis, les prendra à « bras le corps » manipulant et malaxant la gélatine photosensible, chauffée et surchauffée pour lui redonner vie : une autre forme plastique sur un papier distendu dans l’espace, comme dans les miroirs déformants où se reflètent les corps alanguis de Kertesz. Miction trempée dans le révélateur et les bains libérateurs, reconstituée avec sa main , comme le sculpteur aux prises avec la glaise, Sylvie Bonnot a su donner forme et vie à son voyage mental, le restituant dans son espace personnel d’exposition : du mur au sol, des portes au plafond, au contact des étoffes de soie ou des grandes toiles.


Gilles Verneret

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