RÉSIDENCE

CHER ARTHUR

Célia Charvet & Thierry Géhin

Résidence de création, Esox Lucius, Le quai - La gare, Saint-Maurice-lès-Chateauneuf.

26.12.2020 – 02.01.2021

Le début de l’histoire…

Il y a quelques années, nous avons découvert une correspondance adressée à un dénommé Arthur, quelques 170 cartes postales envoyées par différentes personnes entre les années 1950 et 1970. Depuis, de personne, Arthur est devenu un personnage, source de fantasmes, de projections et de créations polymorphes dans lesquelles se côtoient réel et imaginaire.

La résidence à La Gare

Un nouveau volet du travail s’est ouvert ici, inspiré par le contexte particulier de la Gare et ses environs, à partir de la figure mystérieuse de cet homme, absent et omniprésent, étranger et familier. Immergés dans ces lieux, dans leur atmosphère, leur topographie, leur caractère, nous avons prolongé le geste de la correspondance adressée à Arthur en la situant dans ces espaces vécus, le temps de quelques jours.

Prenant le contre pied de la carte postale, nous avons modifié, détourné, enrichi le rapport texte/image : c’est une lettre, et non une carte, qui a été écrite, une sorte de lettre/journal développée, détaillée et énigmatique faisant état de sensations, émotions, observations, déambulations qui ont traversé ces quelques jours ; déjouant le principe de l’image souvenir, les photographies prises in situ sont au contraire des vues à l’échelle de l’expérience vécue, uniquement des photographies prises autour de la gare, avec une profondeur de champ courte, accordant une attention particulière au sensible, aux ambiances, aux détails, même ceux qui auraient passé pour sans importance. L'ensemble de ces images prend vie et se démultiplie par une grille, forme inspirée par les planches de philatélie, ce qui confère aux images un potentiel fictionnel fort. Une relation et un dialogue elliptique se tissent entre le texte et les images et créent un univers hybride et vibrant, une fiction mise en scène par les éléments du réel.

C’est le début d’un travail au long cours, qui prendra notamment la forme d’une édition qui va s’enrichir au fil du temps et des résidences dans différents lieux. A chaque séjour, une nouvelle lettre et un nouvel ensemble visuel, élaborés sur place, et petit à petit, la constitution d’une collection, d’un atlas, d’un album, autour de la figure équivoque d’Arthur.

 



Cher Arthur,
Le froid est là. Le givre a enveloppé chaque feuille, bleui les sapins. A mi-hauteur, on trouve des taches de neige à la surface des champs, des bois. Il faut marcher vite, ne pas s’arrêter, pour laisser
courir le sang. Tu n’imagines pas à quel point c’est calme. Tu serais étonné. On voit très nettement les vaisseaux rougir les joues. La peau, fine, semble prête à craquer. Même l’eau des flaques a formé des veines transparentes sur les pellicules de glace, agencées en vitraux clairs, sur la terre dure. Les chiens sortent, on les voit longer les routes, zigzaguer le long des sentiers, se dépêcher de rentrer. Ce soir, les degrés sont remontés, poussés par le vent et la pluie. Il a fallu fermer les volets pour garder la chaleur à l’intérieur. Comme la nuit tombe en plein jour, les journées se déguisent en grandes matinées et on ne peut rien faire d’autre qu’accepter qu’on nous vole du temps. Les soirées, passées derrière les volets, guettent l’arrivée du jour, serrées les unes contre les autres dans des mondes clos. Arthur, cher Arthur, où es--tu ? [extrait] 

 


 

 

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