LES RICHES DOUANIERS (RICHARD & ZOLL)
Le garage, 68 rue Lamartine - 71800 La ClayetteExposition du 29 juin au 27 juillet 2014, ouverte les jeudis, vendredis, samedis et dimanches, de 15h à 19h30 et sur rendez-vous.
Du 13 au 28 septembre 2014, les vendredis, samedis et dimanches de 14h30 a 18h30 et sur rendez-vous.
Vernissage le samedi 28 juin 2014 à 18h
Entrée libre
Ce projet traite des grands mythes, comme La Joconde et la mort, et par là même, de la vie.
Nous prenons comme sujet La Joconde, présent dans le monde entier par son mythe et utilisée, au cours des siècles, aussi bien par les artistes que par les publicitaires.
Dans notre projet nous rapprochons deux peintures antinomiques : le “Cri” de Munch et le sourire de Mona Lisa. Nous le faisons avec une technique nouvelle pour le dessin : des études spectrales de La Joconde sont réalisées, pour oublier le dessin traditionnel, à savoir le tracé des ombres et des lumières. Une exécution manuelle, rapide, à l’encre de Chine est ensuite exécutée.
Les Riches Douaniers
J’ai rêvé qu’Edvard Munch dessinait la Joconde, ou quand de fortunés employés des douanes font leur Au trot pour trait et le signent Edvard Da Vinci
Il semblait logique que les Riches Douaniers s’emparent un jour de la Joconde (en un rapt de plus, elle qui déjà en connus de retentissants par le passé), objet de tous les fantasmes, de toutes les digressions, et de tous les artefacts marchands imaginables.
En tant que passeurs avisés d’une histoire jamais figée, les deux compères savent que Léonard lui-même est sans doute à l’origine de l’énigme de cette oeuvre désormais bunkerisée : « Pas la moindre allusion à cette peinture, ou à son éventuel commanditaire, dans tous les écrits de l’artiste ; pas même un dessin préparatoire dans ses cartons. Force est de reconnaître que le mystère reste intact. A vrai dire, le brouillard épais qui pèse sur sa genèse convient à merveille à la sibylline Joconde. (…)»1.
Entretenir le doute aura pour conséquence d’autoriser les plasticiens à s’emparer de l’icône pour en faire une sorte de mètre-étalon factice de la réception artistique aujourd’hui, paradigme intranquile et constamment mis à mal, notamment par les angoisses pathologiques d’un Edvard Munch lui-aussi parodié dans sa touche visqueuse et anxiogène.
On remarquera qu’il s’agit bien de mettre en forme une sorte de relecture trans-historique par l’exclusive du trait, je dirai même d’établir la correspondance par une constante autopsie linéaire, ce qui implique aussi les traits les plus grossiers, c’est à dire entendus comme des gestes contraires à la bienséance, rudimentaires et par là-même actifs et efficients.
La trace implique (…) un rapport paradoxal de désignation et de mise à distance, rappelant l’évocation première d’une forme comme sa potentielle esquive – et c’est bien ce qui, de la vanité crânienne à Mona Lisa, de l’image surmédiatisée à sa disparition tendue, se joue dans les dessins et peintures des Riches Douaniers.
Les enchevêtrements de touches linéaires obscurcissent autant qu’elles révèlent l’image, dans certains dessins la ligne se fait liane, si bien que l’on ne sait si c’est cette dernière qui façonne le portrait ou si c’est le portrait qui sert de soutien à la croissance quasi-biologique de ce que l’on peut par moment qualifier de filins, de nervures, voire de veinules. On peut alors à cet égard se souvenir de toute l’angoisse organique métaphorisée dans les toiles du peintre norvégien, où une vigne vierge comme une cheveulure2 peuvent de manière égale se transformer en un corps sanguin et souffrant par l’usage liquoreux de serpentins picturaux : « La touche, en s’allongeant, devient veine, rigole, drain »3.
C’est un peu comme si les réverbérations convulsives du Cri de 1893 s’étaient invitées dans la perspective atmosphérique du tableau de Vinci, et avaient fait fuir toutes les sensibles attaches au réel imagé : giclures, jets, biffures, scories, sismographies glissantes sur fonds d’aluminium ou d’argent sont autant d’imprécisions voulues qui constituent alors abruptement le souvenir décharné - mais pas encore désincarné – de l’icône la plus connue de l’Histoire artistique. Munch disait vouloir transcrire le « réalisme de l’âme »6, et frappait ses figures comme ses paysages de déliquescences infinies. Les Douaniers paraissent hériter de ce souci résiduel à l’heure du « virtualisme du corps », entérinant la Joconde comme être numérique, entre résolution et dissolution, déclinant les fragiles et graciles squelettes de la mémoire visuelle.
1 : Serge Bramly, Léonard De Vinci, Editions J.C. Lattès, 1988, p.399
3 : Jean Clay, De l’impressionnisme à l’art moderne, Hachette réalités, 1975, p.103
Extrait du texte d’Eric Laniol in Catalogue « J’ai rêvé d’Edvard Munch dessinait la Joconde »
J’ai rêvé qu’Edvard Munch dessinait la Joconde, ou quand de fortunés employés des douanes font leur Au trot pour trait et le signent Edvard Da Vinci
Il semblait logique que les Riches Douaniers s’emparent un jour de la Joconde (en un rapt de plus, elle qui déjà en connus de retentissants par le passé), objet de tous les fantasmes, de toutes les digressions, et de tous les artefacts marchands imaginables.
En tant que passeurs avisés d’une histoire jamais figée, les deux compères savent que Léonard lui-même est sans doute à l’origine de l’énigme de cette oeuvre désormais bunkerisée : « Pas la moindre allusion à cette peinture, ou à son éventuel commanditaire, dans tous les écrits de l’artiste ; pas même un dessin préparatoire dans ses cartons. Force est de reconnaître que le mystère reste intact. A vrai dire, le brouillard épais qui pèse sur sa genèse convient à merveille à la sibylline Joconde. (…)»1.
Entretenir le doute aura pour conséquence d’autoriser les plasticiens à s’emparer de l’icône pour en faire une sorte de mètre-étalon factice de la réception artistique aujourd’hui, paradigme intranquile et constamment mis à mal, notamment par les angoisses pathologiques d’un Edvard Munch lui-aussi parodié dans sa touche visqueuse et anxiogène.
On remarquera qu’il s’agit bien de mettre en forme une sorte de relecture trans-historique par l’exclusive du trait, je dirai même d’établir la correspondance par une constante autopsie linéaire, ce qui implique aussi les traits les plus grossiers, c’est à dire entendus comme des gestes contraires à la bienséance, rudimentaires et par là-même actifs et efficients.
La trace implique (…) un rapport paradoxal de désignation et de mise à distance, rappelant l’évocation première d’une forme comme sa potentielle esquive – et c’est bien ce qui, de la vanité crânienne à Mona Lisa, de l’image surmédiatisée à sa disparition tendue, se joue dans les dessins et peintures des Riches Douaniers.
Les enchevêtrements de touches linéaires obscurcissent autant qu’elles révèlent l’image, dans certains dessins la ligne se fait liane, si bien que l’on ne sait si c’est cette dernière qui façonne le portrait ou si c’est le portrait qui sert de soutien à la croissance quasi-biologique de ce que l’on peut par moment qualifier de filins, de nervures, voire de veinules. On peut alors à cet égard se souvenir de toute l’angoisse organique métaphorisée dans les toiles du peintre norvégien, où une vigne vierge comme une cheveulure2 peuvent de manière égale se transformer en un corps sanguin et souffrant par l’usage liquoreux de serpentins picturaux : « La touche, en s’allongeant, devient veine, rigole, drain »3.
C’est un peu comme si les réverbérations convulsives du Cri de 1893 s’étaient invitées dans la perspective atmosphérique du tableau de Vinci, et avaient fait fuir toutes les sensibles attaches au réel imagé : giclures, jets, biffures, scories, sismographies glissantes sur fonds d’aluminium ou d’argent sont autant d’imprécisions voulues qui constituent alors abruptement le souvenir décharné - mais pas encore désincarné – de l’icône la plus connue de l’Histoire artistique. Munch disait vouloir transcrire le « réalisme de l’âme »6, et frappait ses figures comme ses paysages de déliquescences infinies. Les Douaniers paraissent hériter de ce souci résiduel à l’heure du « virtualisme du corps », entérinant la Joconde comme être numérique, entre résolution et dissolution, déclinant les fragiles et graciles squelettes de la mémoire visuelle.
1 : Serge Bramly, Léonard De Vinci, Editions J.C. Lattès, 1988, p.399
3 : Jean Clay, De l’impressionnisme à l’art moderne, Hachette réalités, 1975, p.103
Extrait du texte d’Eric Laniol in Catalogue « J’ai rêvé d’Edvard Munch dessinait la Joconde »